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Lekh Lekha “Va pour toi même”

Parasha Lekh Lekha (Niveau intermédiaire)

Notre Parasha, tout comme la vocation d’Abraham, commence par  : Lekh Lekha, « pars pour toi » ou « vers toi-même ».


בראשית פרק יב (א) וַיֹּאמֶר יְקֹוָק אֶל אַבְרָם לֶךְ לְךָ מֵאַרְצְךָ וּמִמּוֹלַדְתְּךָ וּמִבֵּית אָבִיךָ אֶל הָאָרֶץ אֲשֶׁר אַרְאֶךָּ :

Chouraqui traduit par « va pour toi ». La traduction du rabbinat propose, : « Éloigne-toi ». Segond, tout comme la nouvelle traduction Bayard : « va-t-en » (un peu brutal)…

Dans tout le Tanakh, on ne retrouve l’expression Lekh Lekha que dans la Parasha suivante, à la fin de la vie d’Abraham, lorsqu’il reçoit l’ordre d’offrir son fils Isaac en sacrifice.


בראשית פרק כב פסוק ב 
וַיֹּאמֶר קַח נָא אֶת בִּנְךָ אֶת יְחִידְךָ אֲשֶׁר אָהַבְתָּ אֶת יִצְחָק וְלֶךְ לְךָ אֶל אֶרֶץ הַמֹּרִיָּה וְהַעֲלֵהוּ שָׁם לְעֹלָה עַל אַחַד הֶהָרִים אֲשֶׁר אֹמַר אֵלֶיךָ :

Signalons que toutes les traductions ne choisissent pas toujours de reproduire la première expression employée pour traduire Lekh Lekha. C’est le cas notamment de la malheureuse traduction du rabbinat qui rend ce deuxième Lekh Lekha par « achemine-toi ». Une véritable castration du texte biblique !

Une troisième occurrence du même verbe « halakh » apparaît lorsque Dieu commande à Abraham de « marcher devant lui » (17.1).


בראשית פרק יז 
אֲנִי אֵל שַׁדַּי הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי וֶהְיֵה תָמִים

Les commentateurs classiques ont bien évidemment fait le rapprochement entre ces différents emplois de la même racine verbale. Voici notamment ce que dit le Midrash :


בראשית רבה (וילנא) פרשה לט ט 
אמר רבי לוי שתי פעמים כתיב לך לך ואין אנו יודעים אי זו חביבה אם השנייה אם הראשונה, ממה דכתיב אל ארץ המוריה הוי השנייה חביבה מן הראשונה


Rabbi Levi a dit : il est écrit deux fois Lekh Lekha et nous ne savons pas laquelle des deux est la plus importante, la première ou la deuxième. Mais il semble que ce soit la deuxième du fait de l’emploi de l’expression « Terre de Moria ».

On peut s’étonner de la question, la ligature d’Isaac représentant une épreuve autrement plus forte que celle du départ pour Israël.

Le Ari z’’al explique que dans la vie tout est question de Tikoun, de réparation. Il précise que personne d’autre ne peut réparer ce qu’un individu particulier a comme Tikoun à accomplir. Chaque individu a son chemin particulier à effectuer, son Lekh Lekha. Dans la vie, d’après la Torah, il ne suffit pas d’être un honnête homme, même si ce n’est déjà pas si mal.

Il faut savoir partir et se diriger vers son propre but, vers le Tikoun spirituel dont chacun est responsable. Il faut parfois faire fi de son héritage familial, de ses habitudes, de son éducation…

Ce principe du Lekh Lekha, initié par Abraham qui nous le donne en exemple, se trouve au fondement de toute vie spirituelle et plus particulièrement de toute vie juive prise un peu au sérieux.

La vie est un tikoun continu. Chaque étape de l’existence apporte son lot d’épreuves et d’occasions d’avancer un peu plus, vers soi-même. 

Le premier Lekh Lekha qui marqua le départ d’Abraham, correspond à la fuite de la tahava, du désir mal géré et malsain au profit d’un désir plus subtil qui correspond à la ahavat hashem.

La deuxième occurrence הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי correspond au maintient de l’effort dans la halikha, la marche spirituelle. La stagnation n’étant pas envisageable, en matière de spiritualité et de Torah, il n’y a pas d’alternative, c’est progression ou régression.

Le dernier Lekh Lekha, celui de la Akeda, correspond à l’ultime épreuve dans l’existence spirituelle, l’annulation totale de l’Ego.

La question cependant demeure, comment peut-on comparer le dernier Lekh Lekha au premier ? Comment le midrash peut-il poser la question d’une hiérarchie dans l’importance et la difficulté de ces deux Lekh Lekha quand le deuxième exige le sacrifice suprême ?

Le premier représente la base de tout et exige un effort constant. C’est pourquoi a priori il est aussi difficile que le deuxième. Faire un véritable travail sur soi dans la continuité d’une vie représente une exigence infinie. Être digne d’Abraham exige de l’endurance spirituelle et pas seulement la capacité d’un subit élan mystique.

de tradition : Massoret, ce que l’on reçoit, basé sur le principe de fidélité au passé, à ce que l’on est. Au Lekha d’Abraham, le « pour toi », « vers toi-même », qui fait que chaque juif qui se respecte se soucie du devenir de la tradition juive, de notre formidable héritage dont nous devons nous sentir responsable.

Dans notre tradition  pour se construire, et ne pas être  déboussolés (sans direction), sans assise solide en sois-mêmes dans une société qui ne connaît parfois que le mouvement narcissique ancré dans l’immédiateté. Une tradition exige un certain conservatisme et demande à ses membres de tourner leur regard vers le passé, vers la force de l’héritage, vers l’intimité de l’identité, d’épouser une certaine forme d’égocentrisme et d’apologie de soi sans pour autant tomber dans la complaisance.

Un Lekha.

Mais il y a aussi un autre sens, celui de la transmission, non pas principalement polarisée vers le passé, mais bien vers l’avenir. Pour transmettre il faut s’intéresser à autre chose que soi-même ; il faut accepter de parler à une génération nouvelle, à des gens différents, de problèmes parfois absolument nouveaux. On ne peut avoir l’ambition de transmettre sans une certaine idée de mouvement vers l’autre qui, par nature, est différent, sans oser l’inconnu et la remise en cause.

L’apprentissage par cœur et la répétition ne sauraient à eux seuls constituer une transmission, en tout cas pas lorsqu’il s’agit de quelque chose de vivant comme le sont la spiritualité et la culture.

Pour transmettre, il ne faut pas avoir peur du mouvement, de mettre un pied devant l’autre, de se mettre en marche vers le futur et l’inconnu. Il faut accepter le principe de la halikha. Une tradition sclérosée et fossilisée, entièrement tournée vers elle-même dans un enfermement narcissique, un lekha au sens restrictif, ne se transmet pas, elle devient mimétisme. Elle risque même de donner envie à la génération suivante de fuir et de se trouver ainsi, elle-même, vouée à l’oubli. Ne sachant plus écouter – entendre – et décrypter les voix, les signes qui lui parviennent de l’extérieur, cette tradition risque fort de n’avoir plus rien à dire à personne, entièrement enfermée dans son lekha dépourvu de toute ouverture, dans son arche sans fenêtre en laquelle elle étouffe ceux qu’elle était censée protéger et mener à bon port…

Le Lekh lekha d’Abraham est fondateur parce qu’il allie un double mouvement, l’un tourné vers l’intérieur, vers l’intime, l’autre orienté vers le futur et l’inconnu, donc vers l’altérité.

En tant qu’hébreux messianiques, nous partons du principe, qui est à la fois tradition et transmission, passé et avenir. Ce mouvement représente la destinée abrahamique par excellence, la loi en marche, la Halakha, la Torah de vie qui ne stagne pas, la fidélité au Lekha et l’audace du Lekh. L’équilibre subtil du lekh lekha. Équilibre qui s’exprime également dans la forme verbale réfléchie de l’expression הִתְהַלֵּךְ לְפָנַי, à la fois mouvement et vers soi.

Nous constituons aujourd’hui une alternative incontournable face à beaucoup de dérives et de mélanges. Nous souhaitons avec votre aide tisser des réseaux communautaires ancrés dans une vétritable identité messianique viable et nécessaire dans ces temps troublés. Nous souhaitons représenter un judaïsme messianique d’avenir, un Lekh Lekha nouveau dans le Messie et l’héritage d’Israël.